The Dresscode

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Aujourd’hui, je suis allée signer mon contrat de travail.

Après un mois à peine de recherches, j’ai décroché ma première offre… et pas des moindres ! Un super salaire et un poste visiblement intéressant. Le seul point noir est la situation de l’entreprise. Kwun Tong, quand on habite à Sheung Wan, c’est un peu comme se faire Picpus/La Défense. Avec 30° de chaleur en plus. Par contre, ça ne ressemble en rien à La Défense. Les buildings hongkongais loin derrière moi, je croise plutôt des camions, des hommes qui poussent des palettes, des beaux Chinois (ou pas), torse-nu, qui transpirent (je vous laisse donc visualiser) et qui chargent des remorques…

Ca fait un mois que je suis là, et un mois c’est court. En tout cas, les gens s’étonnent autour de moi et me disent que j’ai trouvé un poste plutôt vite… trop vite peut-être ? En même temps, je culpabilise tellement de ne rien faire de mes journées que je me mets une pression monstre. Si j’ai une offre, je fonce dessus, quitte à être déçue. Au pire, je démissionne.

Je monte dans le métro pour rejoindre Kwun Tong. Plusieurs stations. Correspondance, je change de ligne. Je suis assise. 

Un petit vieux monte dans le wagon, il n’y a pas de places, il se tient à la barre. Je le regarde. Il regarde autour de lui. Il me regarde. Je baisse les yeux. Je voudrais lui laisser ma place, mais je ne sais pas pourquoi, je n’ose pas. Il n’a pas l’air de souffrir debout, du coup j’ai peur de l’offenser en me levant. Il y a un peu de ça, et un peu de cette force maléfique qui me dit aussi de laisser tomber, et puis je ne parle pas Chinois… D’ailleurs, personne d’autre dans le wagon ne manifeste l’intention de lui céder sa place.

Les gens ne sont pas très « chaleureux » ici si je puis dire, pardon de choquer peut-être certains. La réalité c’est juste qu’ils ne se tiennent jamais la porte, ne disent jamais bonjour dans l’ascenseur et ne se lèvent jamais pour laisser leur place aux p’tits vieux… Là, un jeune homme à ma gauche se lève. Le papi s’assoit.

D’un coup, j’ai honte de moi. Mais qu’est-ce-qui m’a pris de ne pas me lever ? Je déteste tellement les gens qui ont ce genre de comportement… J’ai toujours laissé ma place quand il le fallait et je n’avais pas besoin de 2 minutes de réflexion pour ça. Je m’en veux.  Ce vieux a du se dire qu’on avait tous des têtes de cons dans ce wagon, et qu’il aurait peut être du monter dans l’autre… Et puis après, quoi ? Je ne tiendrai plus la porte aux gens et je ne dirai plus bonjour dans les ascenseurs… ? (enfin, pour ce dernier point, c’est déjà le cas… en même temps, dire bonjour toute seule…).

C’était comme un avertissement. Je me suis dit : « alors ça à mon avis tu vas le payer d’une certaine manière… ». Pensée étrange.

Arrivée à Kwun Tong, je me trouve devant les bureaux de l’entreprise plus facilement que la première fois. Je monte. Il fait chaud.  On me fait attendre dans une salle de réunion au décor très… pro.

Je me dis (… en anglais) : « what the hell am I doing here… ».

Il arrive. Après un accueil froid mais gentil (oui, ça existe), il me donne le contrat et me demande de le lire. Quand j’ai terminé je peux l’appeler. Il s’en va. Je pense : « mais tu peux sourire aussi, c’est gratuit.. ». Je l’appelle, il revient. Je n’ai pas d’autres questions.

Lui : « Au fait, je voulais vous dire… ici dans l’entreprise, on a, comment dire, un « dresscode ». Vous savez, on rencontre des chefs d’entreprise, en plus vu que le quartier n’est pas très beau il faut vraiment qu’on fasse bonne impression et qu’on donne une image professionnelle… »

Moi : « Oui, bien sûr, je comprend »

Lui : « Concrètement, là, si vous venez habillée comme ça, ça ne va pas être bon… Par exemple, moi là, je suis en costume-cravate, et bien vous, vous devriez venir en tailleur »

Moi, pensée : *Ah oui, effectivement* - Moi : « Mais pourquoi vous ne me l’avez pas dit à l’entretien, je suis un peu surprise que vous me disiez ça maintenant (pensée : *après que j’ai tout juste signé le contrat…*), c’est quand même important… C’est que… Je suis arrivée il y a un mois à peine, je n’ai pas de tailleurs dans ma garde-robe… »

Rires crispés. Il me dit ensuite qu’il ne faut pas nécessairement un « tailleur », juste des vêtements qui fassent très professionnels, comme si je travaillais dans une banque… *pensée* : « ou dans un tribunal, ou à l'Élysée pendant que t’y es ?! »

Moi : « Ah… »

Inutile de vous dire que je suis venue ici avec une garde-robe limitée, et pas des plus glamours.  Et là je me vois en train de courir entre les rayons de Zara et H&M, à vouloir trouver le perfect outfit à prix réduit. Non, franchement là, me refaire une garde-robe entière pour aller travailler, ça craint.

Je vous passe les détails de la conversation qui a duré près d’une heure, où j’ai eu le droit d’observer la tenue de 2 employées déplacées pour l’occasion, afin de m’en « inspirer ». Je n’ai pas trop su comment le prendre…

Dans une ambiance quelque peu gênante, j’ai demandé de réfléchir car ce dernier point remettait pas mal de choses en question. De plus, 3 mois de préavis pour quitter l’entreprise, ça ne me donne pas beaucoup de lattitude…

Chez moi, à tête reposée, j’ai refusé l’offre. C'est la première fois que je refuse une offre.

Aujourd’hui je me suis levée pensant que j’allais signer mon contrat de travail. Je me suis juste retrouvée dans une salle de réunion glaciale (clim’ un jour, clim’…), à me demander pourquoi j’étais en train d’avoir cette conversation ridicule avec un type qui avait l’air de trouver que ça tombait sous le sens de devoir travailler en tailleur. C’était le pire entretien de toute mon existence… C’était pas juste l’histoire du tailleur… C’était le tout.  C’était pas le bon endroit, pas le bon moment.  Ce sont des choses qui arrivent.

La prochaine fois, promis, je laisse ma place dans le métro.